Les frontaliers «mal informés» sur les risques de leurs prêts immobiliers pourraient récupérer de l’argent - Le Temps, 17 juillet 2025 - DANA Avocats

Les frontaliers «mal informés» sur les risques de leurs prêts immobiliers pourraient récupérer de l’argent – Le Temps, 17 juillet 2025

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Les frontaliers «mal informés» sur les risques de leurs prêts immobiliers pourraient récupérer de l’argent – Le Temps

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Article offert par Julie Eigenmann.

En France, la Cour de cassation a opéré mi-juillet un revirement concernant les prêts immobiliers en francs suisses accordés aux emprunteurs rémunérés dans la même devise. Les banques se doivent désormais d’être plus transparentes

Agence de vente immobilière, Chamonix, le 21 novembre 2024. — © Vincent Isore / IP3press/IMAGO
Agence de vente immobilière, Chamonix, le 21 novembre 2024. — © Vincent Isore / IP3press/IMAGO

Julie Eigenmann

Publié le 17 juillet 2025 à 11:58. / Modifié le 18 juillet 2025 à 09:14. 3 min. de lecturePartager



Georges* est un frontalier comme beaucoup d’autres: il travaillait dans l’horlogerie en Suisse, tout en vivant dans sa maison en France. En 2010, il avait, avec sa femme, contracté un prêt immobilier dans une banque française, en francs suisses. Mais il y a quelques mois, il a perdu son emploi et tout s’est effondré: ses allocations chômage étant versées en euros, il doit les convertir en francs pour continuer son remboursement. Une opération qui lui coûte cher avec l’écart entre le franc et l’euro qui s’accroît. Le couple a donc été contraint de vendre sa maison.

«Le risque des aléas du taux de change n’a jamais été évoqué par la banque, se souvient George. On nous a dit: «Vous travaillez en Suisse, vous voulez un prêt en francs, et voilà». Quand on découvre le problème, on est déjà pris au piège, il n’y a plus d’issue: on ne peut plus renégocier


«La dépréciation de l’euro a absorbé tous nos efforts de remboursement»

Il s’agit de comprendre le contexte: des banques françaises, et quelques suisses, ont dès les années 2000 proposé des prêts immobiliers en francs suisses, aux taux d’intérêt avantageux. De nombreux frontaliers ont emprunté à un moment où l’euro était au plus haut. Mais il a chuté ensuite et a alourdi les dettes des emprunteurs. En 2010, un euro s’échangeait pour 1,40 franc suisse, contre 0,93 aujourd’hui.

Résultat: George avait emprunté l’équivalent de 280 000 euros en 2010, et a aujourd’hui une dette en francs suisses envers la banque équivalente à 275 000 euros. Alors que pendant dix-sept ans, le couple a remboursé en toute régularité, à raison de 1500 francs par mois. «On va solder notre prêt avec la vente de la maison, mais on ne pourrait rien acheter d’autre, la dépréciation de l’euro a absorbé tous nos efforts de remboursement.» Le frontalier envisage de se tourner vers la justice.

C’est qu’un récent changement a de quoi susciter de l’espoir chez de nombreux frontaliers. Jusqu’à présent, ceux qui avaient acheté un bien immobilier en France en ayant souscrit des prêts remboursables en francs suisses étaient considérés comme ne courant aucun risque financier, étant rémunérés dans la même devise. C’est du moins ainsi qu’ont tranché les tribunaux français pendant de nombreuses années face aux recours de frontaliers mécontents. Or depuis janvier 2025, plusieurs tribunaux ont admis que le risque de change ne pouvait être écarté. Et c’est finalement la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en France, qui a fait volte-face sur cette question il y a quelques jours, en annulant un arrêt, défavorable à une ex-frontalière, rendu il y a un an par la Cour d’appel de Colmar.

«Des contrats lacunaires»

«C’est une nouvelle situation pour les frontaliers, qui peuvent enfin se tourner vers la justice», commente l’avocat David Dana, dont le bureau, à Paris, s’est battu pour ce changement. «Si les contrats de prêts des banques ne contenaient pas de clause qui présente clairement le risque auquel les personnes s’exposent en souscrivant de tels prêts, ils peuvent être considérés comme abusifs et être annulés. Et les emprunteurs récupérer des centaines de milliers d’euros», indique-t-il.

Les situations à risque? Le licenciement et donc des allocations chômage en euros, le retour à l’emploi en France avec une rémunération en euros ou encore la revente d’une maison dont le prêt en devise est encore en cours.

«Depuis 2012, la Banque de France impose de communiquer aux frontaliers sur les risques en matière de change, avec des simulations en cas de baisse de l’euro. Et la loi demande d’informer l’emprunteur depuis 2016. Mais dans les faits, les contrats étaient souvent lacunaires et aucune sanction envers les banques n’était prévue», déplore l’avocat.

La Cour de cassation énonce désormais que «l’établissement financier doit exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme contractuel proposé, sur toute sa durée […], notamment en cas de dépréciation de la monnaie nationale ou de perte des revenus en devise étrangère», cite David Dana.

Un recours qui n’est pas toujours possible

Mais la Cour de cassation renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Metz. Pourrait-elle connaître un nouveau revirement? Pas selon David Dana: «La Cour d’appel de renvoi applique presque toujours la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.»

Reste que si la banque avait bien fourni des informations claires sur les effets d’une variation du taux de change, le recours n’est pas possible, tempère David Dana, indiquant que mi-juillet toujours, dans une autre affaire, la Cour de cassation a rejeté le recours d’emprunteurs.

Nous avons interpellé plusieurs banques concernées par cette situation. La Caisse d’Epargne Grand Est Europe a pris connaissance de la décision mais n’apporte pas de commentaire à ce stade. Les autres banques contactées n’ont pas répondu à nos questions.

* Prénom d’emprunt


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